My Name is Trouble

Une angélique voix de tête, un beat quasi disco, d’enveloppantes nappes de synthés à la Goldfrapp : « My Name is Trouble », le nouveau single, entêtant, de Keren Ann, a de quoi surprendre. Encore plus lorsqu’on visionne le clip, où, coiffée d’une perruque très Purdey de « Chapeau melon... », elle s’essaie à une étonnante chorégraphie. Ou qu’on regarde la pochette de l’album, le sixième, « 101 » (EMI), où elle pose armée d’un revolver. Décidée à bousculer son image de chanteuse folk sombre et sérieuse ? « J’avais envie de faire ressortir le côté décalé de l’album, explique-t-elle. Même si la gravité et la mélancolie sont toujours là, je les ai habillées de nouveaux sons. Et puis, d’un point de vue fashion, le revolver est un objet très stylisé et j’adore incarner les bad girls qui ont l’air de sortir d’un Tarantino. »

Chanteuse et tueuse

L’une des héroïnes de son album, chanteuse et tueuse, se retrouve ainsi avec du sang sur les mains, une autre joue les femmes fatales-mantes religieuses. Bienvenue dans l’univers très personnel de celle qui, depuis 2000 et un premier album écrit à quatre mains avec Benjamin Biolay, poursuit, imperturbable, son chemin. Forte de deux expériences disparates – un album pour Emmanuelle Seigner et un autre pour Sylvie Vartan, tous deux coécrits et réalisés avec son ami Doriand –, la créatrice s’est même offert le luxe, pour « 101 », de dissocier encore davantage la Keren Ann interprète de la Keren Ann productrice, faisant chanter la première dans d’inhabituelles tonalités. « Ce n’est pas de la schizophrénie, mais comme mon savoir-faire sonore est plus étendu, je me suis permis plus de choses. »

Bad girl et justicière

Une richesse harmonique inédite qu’on pourrait rapprocher de son incroyable aisance à étendre son territoire partout sur la planète. Mariée depuis trois ans à un prof d’aviation israélien – « il ne vient jamais en studio et je ne pénètre jamais sur son terrain d’aviation », dit-elle en souriant –, elle partage sa vie entre Tel-Aviv, New York, Paris et Reykjavik, où elle écrit un opéra gothique. Même si, dit-elle, la longue maladie et la mort récente de son père l’ont rapprochée davantage de la France, le pays où elle possède « le plus de repères ». Une géographie intime à laquelle il faudra désormais ajouter Taipei et son gratte-ciel 101, haut de 508 mètres, qui donne son nom à cet album en anglais. « C’est là que j’ai eu l’idée de la dernière chanson. Mais j’ai aussi été inspirée par le psaume 101 de la Bible qui parle de bonté et de justice. Lorsqu’on écrit des chansons, on essaie, toutes proportions gardées, de rendre la justice puisqu’on tente de donner une humanité aux personnages parfois les plus antipathiques. » Ainsi parle Keren Ann, bad girl et justicière à la fois. *En concert les 24 et 25 mai à La Cigale, Paris-18e.