Roms : la carte qui fait scandale

Stigmatisante, la carte des Roms de France de "L'Opinion" ? Pourtant, selon un rapport, connaître cette communauté est nécessaire pour sortir des anathèmes.

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Manifestation de familles roms à Marseille en août 2012.
Manifestation de familles roms à Marseille en août 2012. © Georges Robert/Citizenside/AFP

Temps de lecture : 4 min

Stigmatisation. Le mot est lâché. Comme à chaque fois que l'on pointe un phénomène que l'on souhaiterait tellement mettre sous le tapis. Coupable : L'Opinion, journal qui, c'est vrai, a l'outrecuidance de se qualifier de "libéral". Il publie mardi une carte des Roms en France sous le titre : "Plus de 20 000 Roms en France".

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Entre ce titre et cette fameuse carte, un papier, nuancé, mesuré, qui a deux objectifs : d'abord quantifier le phénomène en s'appuyant sur un rapport public commandé par Matignon et issu d'une mission interministérielle où collaborent l'Intérieur, les Affaires sociales, l'Éducation nationale... datant de mai 2013 (consultable ci-dessous). Puis, surtout, expliquer pourquoi ce problème est devenu le sparadrap des prochaines échéances électorales.

Twitter s'enflamme

Seulement, comme le souligne justement cet article, le sujet est piégé. Beaucoup d'élus ont décidé de ne pas laisser cette thématique au seul FN. Résultat, une surenchère très nette dans les propos, des dérapages inadmissibles, et un débat qui s'emmanche mal entre l'angélisme supposé des uns et les coups de menton des autres. (Lire ici notre article "Les Roms s'invitent malgré eux dans la campagne"). Au final, note L'Opinion, même Anne Hidalgo se doit d'avoir une petite phrase anti-Roms pour ne pas risquer d'être accusée de rester sourde à l'exaspération de la population, face à une NKM qui a enfourché sans frémir ce cheval de bataille.

Reste cette carte. Lundi soir, dès sa publication connue, Twitter s'enflamme. Humour de droite publie une carte des Noirs en France (recouverte de l'enseigne de Kentucky Fried Chicken), ou encore cette carte des lecteurs de L'Opinion.


Plus sérieusement, Jean-Paul Kopp, membre du PS et président de l'association Rencontres tsiganes Paca et du Collectif Romeurope, dénonce une carte d'un autre âge. Le point Godwin est atteint en quelques minutes.


Un débat légitime

Ce débat est légitime : une carte qui quantifie et localise un phénomène qui a une base ethnique (les Roms peuvent avoir plusieurs nationalités) est explosive dans un pays où les statistiques ethniques sont interdites. Mais il s'agit bel et bien d'un débat, non d'une question réglée d'avance, encore moins d'un tabou. La preuve, dans ce fameux rapport interministériel, qui est la source de l'article et qui a pour mission "d'évaluer les conditions de mise en oeuvre des instructions" données au préfet "concernant l'anticipation et l'accompagnement des opérations d'évacuation des campements illicites". Objectif : proposer des "modalités d'évolution et d'amélioration, notamment à partir des bonnes pratiques et des expérimentations conduites localement".

Or, que dit en préambule ce rapport ? "Le manque de données prive actuellement les autorités publiques d'indicateurs pour conduire leur action, et contribue à alimenter les controverses sur une question qui reste polémique." D'ailleurs, faute de données disponibles sur un phénomène par nature mouvant (eh oui, ces populations se déplacent ! De gré comme de force), les rapporteurs ont adressé un questionnaire aux préfets. Deux tiers d'entre eux ont répondu. Leur constat dresse effectivement une photographie à un moment T (le mois de janvier 2013, précise le texte) de la présence de camps roms sur le territoire : ce sont ces données listées par le rapport que L'Opinion a présentées sous forme de carte. Omettant de le préciser, et c'est bien le seul reproche que l'on peut leur adresser.

Une photographie floue

Car cette photographie, la voici décrite par les hauts fonctionnaires en charge de la mission : "Pour les deux tiers de ces réponses (39 préfectures), les problèmes sont minimes ou le département ne compte pas de campement illicite. [...] Le fait marquant est que la moitié de cette population se trouve concentrée dans cinq départements de la région parisienne. Si l'on y ajoute une dizaine de départements de province, comprenant notamment les agglomérations de Lille, Marseille, Lyon, Nantes, Toulouse, Nice, Strasbourg, Montpellier et Grenoble, on parvient à 85 % des implantations", expliquent les rapporteurs. Enfin, ceux-ci ont estimé la population rom à plus de 20 000 personnes, "fourchette haute" de l'estimation faite par les associations qui oscille entre 15 000 et 20 000. "Cette incertitude sur 20 % à 25 % de la population ne peut pas être réduite en raison de l'imprécision et de l'hétérogénéité des types de décomptes actuels."

Mieux connaître ces populations est, selon la mission interministérielle, une priorité. Cela permettrait d'apporter des solutions adaptées à des cas extrêmement divers. Autre constat du rapport : plus les camps sont importants, et plus le problème devient difficile à maîtriser pour les élus et génère des tensions dans la population. Or, est-il écrit, évacuer un petit campement au lieu de chercher à trouver des solutions ne fait que grossir les camps plus importants, et donc aggrave les difficultés. Tout le but du rapport est de recenser ce qui fonctionne. Loin des invectives stériles et des amalgames dangereux. Un exemple à suivre.

Rapport de la mission interministérielle sur "L'évaluation des dispositifs d'accompagnement des personnes présentes dans les campements"

Roms : rapport public publié par Lepoint.fr

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Commentaires (11)

  • citizenzen

    Combien de roms ? De noirs ? De juifs ? De musulmans ? De protestants ? De catholiques ? Rien ne justifie l'interdiction d'études sociales.
    Cette censure, comme d'autres, doit disparaitre.
    Cela étant, l'Union Européenne n'a pas encore franchi l'étape d'harmonisation en assurance/allocations sociales, et il serait légitime d'allouer aux étrangers de l'UE les aides sociales limitées à ce qu'ils perçoivent chez eux : il n'y aurait aucune incitation à venir s'installer en France. Une telle mesure n'est pas contraire aux règles européennes.
    Quant aux roms, certains d'entre eux ont des comportements qui "dérangent" (mendicité, etc. ) et ils subissent tous cela. Nous avons souvent ce comportement vis à vis des étrangers, question d'éducation.
    Les roms dérangent ici, comme les nomades dérangent les sédentaires au Sahel.

  • ange13730

    Ils sont venus s'installer en face de chez moi, depuis le quartier vit l'enfer. Un conteneur à poubelle à été mis à leur disposition, il y en a autant dedans que dehors.

  • françois rené

    Le succès comique du mot « stigmatiser » qui signifie désormais « rom » et «voyez comme je suis bon» relève de la coquetterie politique ou sociale. Le «rapport interministériel» est carrément hilarant. Mémorable. La réalité est beaucoup plus inquiétante et tous ces gens s’entorsent le cou pour regarder ailleurs, prendre dans les nuages « une photographie floue » afin de ne rien voir on le suppose, d’avoir l’air bons, pour qu’on les aime, qu’on vote pour eux, ils sont si bons. Mais le déni ne mène jamais très loin. Aujourd’hui-même par exemple Monsieur Ayrault confesse qu’il a été contraint d’augmenter nos impôts….